Guerre de classe
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[Extrait] L'automouvement de la conscience et la lutte sociale
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L’automouvement de la conscience est la négation de toute conscience adjugée. La conscience n’est pas adjugée par une avant-garde qui, de manière pédagogique (ou professorale) va enseigner. Quand nous faisons un tract, quand nous faisons une conférence, quand nous faisons une réunion, quand nous rencontrons des gens, nous ne leur faisons pas la leçon ! Nous faisons transmission d’une connaissance historique par laquelle, depuis des siècles, des hommes de tout horizon ont appris qu’on ne pouvait pas se soumettre à notre provenance servile. L’homme — l’homme émancipé — est l’homme de sa destination. Il n’est pas de sa provenance.

L’un des textes les plus importants de Marx, c’est La Question juive : c’est le refus de l’enfermement dans une Torah de servitude, dans un Islam de soumission, dans une Église de génuflexion, dans un capitalisme d’exploitation. Qu’est-ce que l’homme émancipé ? C’est l’homme qui saisit la Gemeinwesen de l’universalité. Je saisis l’universalité de mon désir, l’universalité de ma passion, l’universalité de ma conscience. Je suis pas juif, je suis pas musulman, je suis pas taoïste, je suis pas blanc, je suis pas noir : ça, c’est les enfermements à partir desquels les classes dominantes n’ont pas cessé de vouloir nous enfermer depuis des siècles et des siècles — dans des estampillages de servitude et de mort lente.

Tout individu, à partir du moment où il saisit le rapport de la lutte des classes, à partir du moment où il saisit le rapport de la logique de l’histoire, peut choisir sa destination. Il choisit sa destination : il décide d’être dans une dynamique historique d’abolition de l’argent, d’abolition de l’État, d’abolition du mensonge, d’abolition des mystifications. L’universel, c’est que je suis enfin en relation d’amour avec la totalité des hommes ; je suis pas simplement en relation d’amour avec ma communauté aliénatoire ; je suis pas en relation d’amour dans ma Torah d’exclusivité ou dans mon Coran d’enfermement. Je suis en relation d’amour avec l’universel et je détruis tous les Corans et toutes les Torahs parce que, ben, je prône l’amour — l’amour universel. Et si je prône l’amour universel, je fais péter tous les murs de Berlin, qu’ils soient religieux, politiques, sociaux, économiques.

À bas les murs ! À bas les barbelés ! À bas les aliénations !

Et c’est pour ça que, à partir de là, je positionne le grand renversement qui fait si peur à la classe capitaliste. Pourquoi, pendant des décennies, on a menti aux immigrés sur la colonisation ? Pourquoi on a menti aux immigrés sur la décolonisation ? Pourquoi on a menti aux Français « traditionnels » sur la colonisation et la décolonisation ? La colonisation, c’est le capital. La colonisation, c’est l’aliénation. Les gens du Maghreb, ils ont d’abord été colonisés par l’Islam au VIIe siècle. Les populations africaines, elles ont d’abord été colonisées et écrasées par les colons arabo-musulmans. Les Gaulois, ils ont été esclavagisés par des Romains. Y’a pas de couleur de peau dans l’esclavage. Y’a pas de couleur de peau dans l’aliénation. Et les premiers esclaves aux Amériques étaient des colons esclavagisés par Cromwell, c’étaient des déportés Irlandais.

On a voulu ethniser le rapport social. Pourquoi on a voulu ethniser le rapport social ? Pour que le rapport social, dans sa dimension subversive, ne puisse pas exploser. Il fallait une armée de réserve qui soit cantonnée culturellement dans une temporalité qui ne la mettait pas en relation avec le projet communiste. Donc, l’éducation nationale du capital, les structures étatiques du capital, les structures financières du capital ont parqué dans les banlieues, après en avoir expulsé le prolétariat, les immigrés, et en structurant, dans une dialectique du spectacle du secret généralisé… Ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est pas une construction complotiste : c’est une conjuration immanente. Le capital veut la guerre sociale ethnique. Le capital veut le chaos généralisé contre-révolutionnaire. Et pour qu’il y ait le chaos généralisé contre-révolutionnaire, il faut que l’immigré, abruti dans son quartier, et que le Français « de souche » dans son autre quartier, soient en incapacité de se parler et de se comprendre, en comprenant que la grande déportation, qui fait monter des gens du Sud vers le Nord, c’est un enjeu capitaliste de lutte de classe.

Donc, à un moment donné, quand la crise généralisée va nous exploser à la figure, quelle est la grande peur du capital ? C’est que justement, ces compartimentages, ces apartheids (quartiers immigrés, quartiers « de souche »), puissent construire des parcelles critiques. Donc, pour éviter la guerre civile de classe, la guerre civile révolutionnaire, le capital a depuis des années et des années investi, non pas par complotisme, mais dans la conjuration immanente de la stratégie du capital, sur le vecteur stratégique de la guerre sociale ethnique. Et c’est ça qu’il faut bien comprendre : dans le chaos généralisé par lequel le capital est en train de se détruire, industiellement, commercialement, bancairement, le capital n’a qu’un moyen pour empêcher la guerre sociale de classe, c’est la guerre sociale ethnique.

Francis Cousin, Radio GDC : Autour d’une critique de l’actualité et des temps présents – Janvier 2020, 9 février 2020

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